La diffractométrie arc-en-ciel pour étudier l’évaporation de gouttes de suspensions colloïdales

Un arc-en-ciel est provoqué par l’interaction d’un faisceau lumineux avec une goutte de liquide. Il est possible d’étudier en laboratoire des arcs-en-ciel formés par un rayon laser éclairant une goutte de liquide. En filmant l’arc-en-ciel, on peut ensuite étudier et extraire de ce signal des informations physiques la goutte. En effet, il est possible d’estimer la taille de la goutte ainsi que sa concentration quant elle contient des nanoparticules.

Comment étudier une goutte en laboratoire ?

Il est donc possible d’obtenir une courbe de suivi de l’évaporation d’une goutte de fluide contenant des nanoparticules (autrement dit, une suspension colloïdale). Pour réaliser cette expérience, on peut éclairer avec un laser :

  • une goutte posée sur un support hydrophobe
  • une goutte en lévitation acoustique

C’est cette dernière méthode qui est utilisée pour tous les résultats exposés dans cet article (voir l’image ci-dessous). La goutte lévite dans un noeud de pression acoustique stable dans le temps et dans l’espace (entre un transducteur et un réflecteur). On suppose en première approximation que le lévitateur ultrasonique (F=100kHz) n’influe pas le séchage de la goutte piégée. Avec cette méthode, il est aisé d’éclairer la goutte unique avec un laser approprié. Il est utile de dire ici que le laser ne chauffe pas la goutte et n’influence pas l’évaporation de celle-ci.

Goutte en lévitation acoustique Imasolia
Goutte d’encre bleue en lévitation acoustique

Le phénomène d’arc-en-ciel sur une goutte sphérique et homogène

Dans le cadre de l’optique géométrique classique, le phénomène d’arc-en-ciel est lié à l’existence d’un angle de déviation limite pour les rayons lumineux d’ordre p=2. C’est-à-dire ceux qui ont une subi une seule réflexion interne à l’intérieur d’une goutte sphérique et transparente.

La figure suivante (à gauche) montre que l’angle de diffusion θp=2 de ces rayons commence par augmenter avec le paramètre d’impact (distance à l’axe optique) des rayons incidents, avant de passer par un maximum θac appelé « angle du premier arc-en-ciel », puis de diminuer.

Pour θ2ac aucun rayon de type p=2 n’est diffusé, cette zone du diagramme de diffusion correspond au début de la bande sombre d’Alexander.

Explication du phénomène d'arc-en-ciel
Explication du phénomène d’arc-en-ciel quand un faisceau lumineux rencontre une goutte de fluide liquide.

Pour θ2≤θac, deux types de rayons p=2 se superposent et interfèrent à l’infini pour produire l’arc-en-ciel (dit « du premier ordre »). Il existe en fait une infinité d’arcs-en-ciel : arc-en-ciel du premier ordre produit par les rayons p=2, arc-en-ciel du deuxième ordre produit par les rayons p=3, arc-en-ciel du troisième ordre produit par les rayons p=4, etc… Cependant, du fait des multiples réflexions internes, la décroissance de l’énergie des rayons p=2 est très rapide, comme illustré par la précédente figure (à gauche). C’est pour cette raison que, dans la nature, si on observe assez fréquemment le premier arc-en-ciel (p=2), il est plus difficile d’observer le second (p=3) et extrêmement difficile d’observer ceux d’ordre supérieur.

Il existe différentes théories pour calculer des diagrammes de diffusion à travers des gouttes de liquide. La figure ci-dessous montre deux diagrammes de diffusion avec le modèle d’optique géométrique et la théorie de Debye. On ne rentrera pas en détails de ces théories dans cet article.

Diagrammes de diffusion calculés avec le modèle d’optique géométrique et la théorie de Debye dans le cas d’une goutte d’eau de 100μm éclairée par une onde plane de longueur d’onde 0.532nm et de polarisation perpendiculaire.

Principe de la technique de diffractométrie arc-en-ciel

La diffractométrie à l’angle d’arc-en-ciel cherche à reproduire en laboratoire le phénomène d’arc-en-ciel dans le but de caractériser le diamètre et l’indice de réfraction des particules (ici au sens d’une goutte) qui le génère. Elle peut être qualifiée de « technique arc-en- ciel », de « thermométrie arc-en-ciel » ou encore de « réfractométrie arc-en-ciel ». Quoiqu’il en soit, dans la littérature, cette technique optique est utilisée suivant deux modes opératoires (voir la figure suivante). Dans le premier cas, les statistiques temporelles sont obtenues par comptage d’un grand nombre d’événements (c’est-à-dire de gouttes individuelles). Dans le second cas, les statistiques spatiales sont obtenues sur l’ensemble des gouttes présentes à un instant donné dans le volume de mesure du système.

Schémas de principe de diffractomètres arc-en-ciel pour la caractérisation de (a) particules (gouttes) individuelles ou (b) d’un ensemble de particules (nuage de gouttes). Légendes : (1) laser ; (2) optique de focalisation ; (3) volume de mesure ; (4) optique de Fourier de focale f ; (5) caméra type CCD : 1D ou 2D ; (6) optique d’agrandissement et collimation du faisceau.

L’optique de détection se compose essentiellement d’une optique de collection et d’une caméra de type CCD (linéaire ou 2D). Le capteur est placé dans le plan de Fourier de la lentille (distance f). Cependant, pour mieux définir les dimensions du volume de mesure et pour pouvoir analyser des écoulements un peu plus denses (mais qui restent assez dilués), il est souvent préférable d’ajouter un filtre spatial à cette optique de détection. Comme nous l’avons déjà indiqué, le premier arc-en-ciel se présente comme la superposition de deux réseaux de franges. Qualifié de structure d’ondulation (ripple), le second réseau est fréquemment considéré comme un parasite de l’arc-en-ciel car il rend difficile la mesure de la position angulaire des franges de basse fréquence. Il est considéré comme un atout pour d’autres, car cette seconde fréquence peut être utilisée pour tester la sphéricité de la goutte. Néanmoins, de manière générale, le diamètre et l’indice de la goutte sont le plus souvent déduits de la mesure de la position angulaire de la première et de la deuxième frange. L’indice peut également être obtenu directement de la mesure de la position angulaire du premier point d’inflexion.

A la vue du ripple et compte tenu du fait que les signaux expérimentaux sont toujours bruités, cette dernière solution semble très difficile à mettre en œuvre. La technique arc-en-ciel sur goutte individuelle s’avère également très sensible aux effets de trajectoire et à la non sphéricité des gouttes, de même qu’à la présence de gradients d’indice à l’intérieur de celles-ci.

Diffractométrie arc-en-ciel : gouttes sphériques et non homogènes

L’indice de réfraction d’une goutte hétérogène étant directement lié à sa concentration en nanoparticules, la diffractométrie arc-en-ciel permet donc d’estimer une concentration à chaque instant d’une goutte. Cette concentration en nanoparticules évolue rapidement en fonction de l’évaporation du solvant de la surface de la goutte. Lorsque tout le solvant est évacué, les nanoparticules s’agglomèrent et forment un grains plus ou moins compactes (croûtes, voire la figure ci-dessous).

Clichés MEB de grains formés à l’issu des expériences d’évaporation d’une goutte liquide en lévitation initialement millimétrique contenant des nanoparticules solides.

Dans le cas de particules sphériques hétérogènes, une approche originale repose sur des lois d’homogénéisation et permet de prendre en compte une stratification de la concentration en nanoparticules au sein des gouttes ou grains étudiés. Ces lois sont implémentées dans les modèles théoriques d’arc-en-ciel pour estimer les paramètres physiques. Cette stratification est calculée à partir des prédictions du profil radial de la concentration moléculaire en nanoparticules prédites par un modèle de séchage.

Conclusion

Dans cet article nous avons vu que le phénomène optique de l’arc-en-ciel peut permettre d’étudier l’évaporation d’une goutte de suspension colloïdale en lévitation acoustique. Encore une belle preuve que la lumière contient beaucoup d’informations pour celui qui sait où chercher !

Avec les données expérimentales complétées par des modèles théoriques originaux, il est possible de remonter à la taille de la goutte ainsi que sa concentration en nanoparticule au cours du séchage. C’est résultats sont extrêmement utile dans de nombreuses industries : biotechnologies, chimie, agro-alimentaire, …

J’espère que cet article vous a plu et que sa lecture ne fut pas trop délicate. Le contenu de l’article est issus de ma thèse de Doctorat. Si vous souhaitez aller plus loin, n’hésitez pas à me contacter ou encore à télécharger le manuscrit. Vous pouvez également poser vos questions dans les commentaires, je vous répondrai avec plaisir.

Pour finir, sachez que cette technique est encore une « technique de laboratoire » mais on peut imaginer l’utiliser dans l’industrie de manière automatisée. Imasolia contribuera peut-être à cette innovation technologique dans l’avenir !

Arc-en-ciel expérimental (en fausse couleur) et image ombroscopique d’une goutte de fluide pur.

Cette publication a un commentaire

Laisser un commentaire


La période de vérification reCAPTCHA a expiré. Veuillez recharger la page.